Le diable est pur ; il ne fait que le mal | Satan

Elle fut surprise de constater que ce n'était qu'un solitaire. Elle se détendit aussitôt, laissant ses épaules retomber doucement. Elle le laissa s'approcher, le toisant d'un regard indifférent, limite blasé. Son regard de glace détailla, comme à son habitude, la carrure de son interlocuteur. Une fois qu'il arriva à sa hauteur, Hanna apprécia guère le fait qu'il soit bien plus grand qu'elle. Cependant, elle ne le montra pas, se contenta de fixer longuement les flammes de l'inconnu. Elle plissa le museau, ce qui l'obligea à desserrer que très légèrement la mâchoire, dévoilant qu'un bout minuscule de ses crocs blancs. Ses oreilles pivotèrent vers le mâle ; elle devait réagir comment ? Elle souffla doucement, puis la blanche recula de quelques pas, préférant mettre une distance entre eux. Son regard passa de l'indifférence à la méfiance.
« Bonjour »

Ne se sentant toujours pas rassurée, et encore moins quand elle aperçut l'étrange queue qui frôlait ses flancs. C'était un cauchemar, c'est ça ? Sérieusement, un loup pareil, ça existe ? Elle s'ébroua vivement, visiblement gênée par cette rencontre. Elle se forçait à garder son regard encré dans celui de la bête, afin de pouvoir esquiver un coup, si jamais il osait. Quand il ravala la distance en quelques pas, Hanna refit encore des pas en arrière, voulant qu'il la respecte. Le mâle semblait tellement... intriguant et à la fois, sombre, très sombre, trop sombre.
« T'es de la police ? »
Elle se permit de le tutoyer à son tour, histoire de le provoquer légèrement. Elle ne serait pas débile au point de tout mettre en oeuvre pour l'énerver. A vrai dire, elle avait tendance à se faire petite, là. La belle lui répondit tout de même, histoire d'éviter une bataille juste pour une telle remarque.
« Hanna »

Quand il approcha l'extension de sa colonne vertébrale sous son nez, les moustaches d'Hanna frémirent et un long frisson parcourut son échine, s'arrêtant à la naissance de sa queue. On pouvait dire qu'Hanna avait peur ; pas extrêmement, mais un peu. Elle avait un peu peur. Il semblait complètement dérangé, le loup. Elle ne tenait pas à se retrouver avec une patte en moins, ou un oeil crevé. Elle comptait sortir d'ici en parfaite santé. Au pire, elle pourrait toujours user de son pouvoir ; mais elle se retrouverait avec un morceau de son passé en moins. Elle frissonna à nouveau, un frisson plus court mais plus brutal.
Hanna écouta que d'une seule oreille ce qu'il disait de sa voix rauque, se concentrant plutôt sur son regard, essayant de déchiffrer quelque chose d'invisible à l'oeil nu. En vain. La brise ébouriffa le pelage de Mazaïa, puis le sien, ce qui la laissa tout de même de marbre. La pluie avait arrêté de tomber, laissant les fourrures des lupins sécher grâce à un soleil de plomb, caressant doucement leurs poils.
« Je suis censé rire ? Avoir peur ? Hurler ? Déguerpir ? Parce que dans tous les cas, c'est raté »

Hanna releva la tête, le regard provocant, le prenant de haut, bien qu'il soit plus grand qu'elle. Elle eu un petit sourire au coin, mesquin, et recula une énième fois, manquant de glisser sur une pierre glissante à cause de la pluie ; elle réussit à se rattraper, et elle prit plus de soin pour poser ses coussinets sur la surface dure. Puis la belle s'assit doucement et lentement, observant Mazaïa. Il se mit à bâiller, sortant une langue d'une longueur qui étonna Hanna. Cette dernière garda cependant son sérieux, ne le lâchant pas du regard, le trouvant trop suspect, trop secret, à son goût.
« Naon, j'ai la flemme de me battre »
Elle fit un nouveau coup de tête, comme si la chose était tout à fait normal. Elle se lécha lentement les babines, prenant soin de reprendre les miettes de son ancienne victime.
« Et puis, t'sais, je les battrais tous sans mal »
Non, vraiment ? Hanna savait que sa réponse ne tenait pas la route, mais elle continuait la carte de la provocation, s'amusant avec Mazaïa.
« C'est qui ton maître ? Que je m'en vais le rencontrer. Peut-être qu'il me plaira bien, tiens »

Elle fit claquer sa mâchoire dans le vide, tout près du museau du loup quand il se mit à avancer, l'obligeant à s'arrêter. Elle garda ce regard provoquant et ce sourire mesquin, ne lâchant plus une seule seconde Mazaïa des yeux, ne cillant même pas de temps en temps. Instinctivement, ses oreilles se plaquèrent sur sa nuque, et sa babine supérieure se releva, révélant des crocs juste pointus, et fins, avec une couleur parfaitement douteuse... On se demandait si elle ne s'était jamais battue ; après tout, ses crocs ont toujours été d'un blanc immaculé.
« T'approches encore, j'te bouffe »
Elle s'immobilisa alors, attendant qu'il fasse de même. Elle se rendit compte qu'elle devait tout de même intéresser le mâle pour qu'il ne la frappe pas, ou qu'il ne la tue pas. Et puis, c'est pas comme s'il était piquant dans ses paroles. Il semblait même posé, pour l'instant. Elle plissa les yeux, ne comprenant pas vraiment l'attitude de Mazaïa. Et brusquement, le sol changea de tout en tout, quelque chose se tendait, quelque chose essayait de choper le lupin ; heureusement, elle, elle était plus loin, ce qui la rassurait quelque peu. Quel étrange énergumène, ce Mazaïa ! Elle l'observa encore, ne ratant aucun de ses gestes.
« Et sinon, ça te fait quoi de croire à ses débilités ? Satan, tout ça... c'pour faire peur aux louveteaux embêtants. »