Que vois-je ? [Gabrielle/Chaân]

Gabrielle avançait non sans difficulté à travers cette masse boueuse et collante. Une grimace barrait son visage, la guérisseuse trouvait ça vraiment désagréable. Son pelage, habituellement brillant et très propre était couvert de boue. Du moins au niveau des pattes car elle avait pris grand soin de marcher sur les plus grosses touffes d’herbes pour éviter un maximum de marcher dans la terre meuble.
« Gabrielle, t’as vraiment que des mauvaises idées ! » piailla un volatile. La louve ne se retourna même pas. C’était Cléo, sa pie apprivoisée qui venait de faire la remarque. Gabrielle l’avait un jour trouvée, alors quelle était minuscule et chétive. Normalement, quand un oisillon tombe du nid, les carnivores ne se privent pas et le mange sans réfléchir. Mais la guérisseuse ne l’avait pas fait et l’avait recueillie. La jeune pie repris vite ses forces mais au lieu de s’envoler pour retrouver ses congénères, elle était restée et avait peu à peu appris à parler. Au début ce n’était que quelques mots mais depuis, son vocabulaire c’est enrichi. Cléo est une vraie pipelette à présent. Langue bien pendue que la louve à pris en amitié. Cette dernière était perchée sur son épaule car il n’y avait aucun arbre aux alentours.

La grise continuait à chercher ce pourquoi elle était venue, une plante médicinale. C’était en même temps une excuse pour fuir l’agitation du camp. Autant de mortels qui s’agitaient dans un même endroit avaient l’art de l’énerver. Parfois elle se demandait comment elle supportait ça. Il lui arrivait souvent d’envier les solitaires. Mais un il y avait un inconvénient majeur à être solitaire. Il n’y avait absolument aucun objectif, aucune mission à remplir ! Chose insupportable aux yeux de la louve. Vivre sans objectif, autant rejoindre Kowai ! « Là ! Regarde, c’est ça que tu cherche, non ? » Cria Cléo. A cette remarque, Gabrielle pris quand même la peine de se retourner. « Non. Ca ne sert à rien de me montrer des plantes inutiles ! J’en ai besoin d’une bien précise »gronda-t-elle. Visiblement, la pie ne supportait pas cet endroit. Pourtant à part la boue et les croassements agaçant des grenouilles, le temps était agréable. Quasiment aucun nuage et un soleil brillant de mille feux. Une odeur vint bientôt chatouiller les narines de Gabrielle. Une louve. Blasée à cause du temps quelle avait passé à patauger dans les marais, elle décida d’aller la voir. La grise s’approcha d’une allure assez rapide pour le milieu dans lequel elle était. D’un vif coup d’œil, elle détailla l’inconnue. Fourrure blanche et fournie, yeux noirs et une morphologie normale. Pas de quoi s’inquiéter. Sa truffe lui indiqua qu’elle venait du nord. C’était donc une alliée. Pas de combat… Gabrielle resta neutre et parti s’asseoir un peu plus loin, près d’un arbre quelle avait repéré. Bien que maigrelet et chétif, ses racines suffisait à retenir la terre et à la maintenir sèche. Cléo souffla à son oreille « Espèce d’antisociale ». La guérisseuse lui adressa un regard moqueur avant de s’adresser à la nordique d’une voix douce.

« Bonjour. Ne voulez-vous point venir ? »

Habituellement, les mortels, l’ex-ange gardien les considérait comme stupide et vraiment indigne d’intérêt. Que sa voix soit douce était aussi exceptionnel. En temps normal, elle était froide et dure. Rien d’accueillant. C’était sans doute pour contredire Cléo. D’ailleurs elle chuchota à l’oreille du volatile « Que disais-tu ? ».

Un piaillement exaspéré retentit. Ce n’était autre que Cléo qui râlait. Une autre caractéristique de cette pie : elle détestait avoir tort. Peut-être est-ce pour ça aussi que Gabrielle l’appréciait. Ses crises de colère étaient vraiment amusantes. La louve grise la regarda d’un air amusé, cette pie est vraiment un spécimen rare ! Pourtant Cléo resta sur son épaule, l’arbre ne lui convenait-il pas ? Rien d’étonnant… L’inconnue fut parcourue d’un frisson puis leva la tête au ciel. Peut-être croyait-elle aux Dieux ? Gabrielle avait rencontré tant d’athés… Ne croyant ni aux signes, ni aux Dieux…

La guérisseuse s’ébroua ce qui projeta quelques gouttelettes de boue dans les airs. Du moins ce qu’il en restait. Avec la chaleur du soleil, la boue avait séché. La blanche s’approcha bientôt et s’essuya les pattes. Hm, la terre commençait déjà à s’humidifier. Il y a tant d’inconvénients sur Terre ! Cléo piailla avec sa voix aigüe de pie « Bonjour ! ».
Gabrielle s’était toujours demandé pourquoi cet oiseau ne craignait pas les autres loups. Qu’elle ne craigne pas Gabrielle était tout à fait normal mais qu’elle souhaite le bonjour à des inconnus, non !

« Si, avec plaisir. Je me nomme Chaân, druide du Nord, louve mortelle. Qui êtes-vous ? Pas votre nom, ni votre meute, ou votre rang. Non, qui êtes-vous vraiment ? »

Cette question, pour le moins inattendue, la fit sourire. Rien que la précision qu’elle fut mortelle était hors du commun. Qui irait dire qu’il est mortel à quelqu’un ? Personne de normal en tout cas. Plusieurs possibilités se proposèrent à Gabrielle : soit elle avait reçu un signe, soit elle était complétement folle, soit, pour une raison totalement inconnue, elle savait qu’elle n’avait pas toujours été mortelle. La dernière possibilité fut éliminée avec la question suivante. Qui était-elle ? Quelle question ! Que fallait-il répondre ? Gabrielle n’en savait rien. Ce n’est ni un ange ni une louve commune… Lui dire ex-ange se révélait plus approprié mais qui ne l’aurait pas pris pour une folle ? La guérisseuse restait souriante malgré les questions qui la taraudaient.

« Je suis… »

Elle fut prise d’une hésitation puis se reprit.

« Je suis, croyez-le ou non, un ex-ange gardien. Non pas envoyée en mission mais bien exilée du royaume des cieux. »

Elle sentit Cléo frémir sur son épaule. Cette pie ne l'avait jamais crue à ce niveau, elle se retenait vraiment d’éclater de rire. La grise lui jeta un regard froid pour lui intimer le silence. Elle adoucit son regard quand elle le reposa sur Chaân. Vu son grade, celle-ci la croirait certainement. Gabrielle restait assise mais prit un air plus sérieux. Sa fourrure voleta un instant sous un coup de vent. La guérisseuse savait à présent qu’elle devrait lui fournir des explications voir même, lui déballer tout son passé. Cette idée ne la dérangeait absolument pas. Gabrielle se préparait à l’interrogatoire, cherchant déjà ses mots…

Gabrielle prit le temps pour jauger de la situation. Elle avait bel et bien envie de rire ! Pourquoi devrait-elle se soucier des signes que la druide avait reçu ? Que les Dieux fassent ce qu’ils leur chantent, elle n’en avait plus rien à cirer ! Les yeux violacés de la louve devinrent plus froid. Toute trace de sympathie avait disparu chez elle.

Le sérieux de Chaân prouvait qu’elle disait la vérité. Cette louve n’est pas une mythomane. Pourtant, la guérisseuse ne parvenait pas à la prendre au sérieux. Bien que de l’extérieur, la belle grise affichait une assurance évidente, en l’intérieur elle était complètement déboussolée. Pourquoi avait-elle reçu un signe ? Est-ce que les Dieux ne l’avaient pas abandonnée ? Avaient-ils revu leur jugement ?
Autant de question trottait dans sa tête. Toute, hélas, sans réponse… Maintenant, compte tenu de la situation, la louve hésitait du comportement à adopter. Pour l’instant, elle restait figée dans une attitude sérieuse et posée. Les secondes s’égrenaient et rien ne venait éclaircir ce mystère. La guérisseuse avait cessé de se préoccuper du milieu qui l’entourait. Son regard était plongé dans celui du druide. Ses deux trous noirs ne lui apprenaient rien. Au contraire, ils approfondissaient son doute.
La grise fini par s’ébrouer en déclarant d’un ton froid et dépourvu de toute empathie.

« Je ne connait pas la réponse. Les Dieux m'ont bannie et abandonnée. Pourquoi ferais-je attention à eux ? Je suis désolée, mais je ne me sens nullement concernée. »

Evidement, elle mentait. Elle se sentait vraiment concernée...
Cette druide venait de captiver son attention. De mortelle inutile et stupide, elle était devenue intéressante. Pourtant, Gabrielle ne l’aimait pas. Pourquoi ? C’est vrai qu’elle ne lui à rien fait. Ou plus particulièrement si. Cette nordique venait de semer le doute en elle. Inadmissible ! La louve se releva souplement. Mais au lieu de partir, elle resta immobile. Ou plutôt, elle fixa le paysage. Rien n’avait bougé. Le ciel était toujours dégagé, le soleil brillait toujours avec autant d’intensité, les grenouilles étaient toujours aussi agaçante. Simplement, elle voulait voir la réaction de la blanche. Savoir ce qu’elle pensait. Maintenant qu’elle était passé au stade d’intéressant, autant en profiter ! Tant de gens était si futile. Gabrielle profita un instant de la fraicheur du vent.

« Pauvre Chaân ! Vous croyez cette folle ? Mais elle à perdu la tête ! » Venait de s’exclamer Cléo. La guérisseuse se retourna vivement dans sa direction. Elle avait complètement oublié ce volatile. La pie était maintenant perchée dans l’arbre et les avaient épiées tout ce temps. La louve ne pu réprimer un grognement. Qu’elle cesse ses remarques désobligeantes ! Ses yeux mauves qui étaient déjà dur devinrent complètement hostile. Elle avait de la chance d’être dans cet arbre ! En tout cas, elle passera un sale quart d’heure. Cette idiote n’avait-elle pas comprit que Gabrielle était rancunière ? La grise après cette démonstration de colère retourna son regard vers le paysage. Allez-y chère druide. J’attend d’entendre le fond de votre pensée songea-t-elle.

Up !