«Pourquoi j'ai mis mes pattes ici ?» {PV: Swann}

*Pourquoi j'ai mis mes pattes ici ?* C'était la seule pensée qui traversait l'esprit du loup des terres australes. Oh, il savait le pourquoi, c'était un défi stupide avec des chasseurs de sa meute. Un mince sourire étira les lèvres de Caliban. Il avait accepté pour une raison fort simple et fort stupide. Son orgueil en aurait été blessé s'il avait décliné l'offre. Visiblement, il n'était pas sorti de l'auberge s'il continuait à agir de la sorte, mais la jeunesse est souvent synonyme de témérité dans la gueule des plus vieux et puis, on a qu'une seule vie, autant la vivre au maximum.

Il pataugeait dans l'eau depuis un moment, longeant la rive. Il devait franchir cette forêt s'il voulait gagner et il ne pourrait pas tricher en passant par un autre endroit, ses ''amis'' l'attendaient de l'autre côté. Il laissa échapper un soupir agacé, fixant l'étendue sombre qui semblait s'étendre à l'infini. Le loup du Sud avait entendu bien des histoires sur cet endroit. «Il y a des monstres là-bas !» avait-on dit. «Il ne faut pas s'approcher de l'eau, des créatures immondes y vivent.» avait-on répliquer. S'il commençait à croire toutes les idioties que les parents racontaient à leurs louveteaux, ce serait aussi débile que d'aller déclarer la guerre à la meute de l'est, bien que l'envie le démangeait. C'est un fait, il vouait une haine profonde à l'encontre de ces loups et tout le monde le savait. Quant une mission concernait les terres orientales, le feu qui brûlait dans son regard dissuadait ses supérieurs de l'envoyer, à son grand désarroi.


Caliban posa ses pattes antérieures dans l'eau, son pelage se hérissant sous le contact glacé. *Bon... puisqu'il faut y aller.* Il s'avança jusqu'à ce que son corps soit totalement immergé sauf sa tête bien sûr, observant les profondeurs du pseudo lac, à la recherche de ces ''créatures'' dont on lui avait parlé. Rien du tout, pas le moindre mouvement sous la surface. Cette fois-ci, ce fut un sourire moqueur qui étira ses traits. Vraiment, les loupiots croyaient n'importe quoi ! Il commença à nager, sûr qu'il n'y avait rien, mais comme le destin adore s'acharner sur les vivants, il n'avait pas remarqué que quelque chose le suivait depuis le début. Tapie dans le fond, la chose n'avait fait que l'observer, attendant patiemment qu'il entre dans l'eau.

Le loup noir devint immatériel au moment où la créature l'attaquait. Ses mâchoires claquant dans le vide, enfin, s'il n'avait pas usé de son pouvoir, il aurait été happé par la gueule monstrueuse où s'alignait une rangée de dents impressionnantes. Le monstre tenta à nouveau de le déchiqueter, sans grand résultat. Étant toujours sous sa forme spectrale, il évitait de se faire entraîner sous l'eau et noyer avant de se faire dévorer. Caliban accéléra l'allure, la rive n'était qu'à quelques mètres. Cependant, il se fatiguait et son don était éreintant, ces deux facteurs additionnés, il arriverait épuisé mais en un seul morceau. La chose s'acharna encore un peu, mais finit par abandonner. Elle retourna se tapir dans les profondeurs.

Avec un soupir de soulagement, le loup des terres australes se laissa tomber lourdement au sol. Il avait réussi ! *Dans les dents ! Ils croyaient vraiment qu'ils pourraient en finir comme ça avec moi !* En effet, il se doutait bien que ce n'était pas qu'un simple défi stupide, disons qu'il n'avait pas un franc succès dans sa meute. C'était sans doute pour ses talents d'espion qu'il y était encore admis. Bref, il croyait dur comme fer que ses compagnons ne désiraient qu'une chose, qu'il finisse dans l'estomac des créatures qui pullulaient dans le lac. Ah et d'ailleurs, il devait admettre qu'il y avait bel et bien des monstres dans ce lac. Caliban laissa ses paupières tombées, il était crevé et pioncer un peu ne lui ferait pas de mal. Au diable les avertissements, là, il voulait vraiment dormir et personne ne l'empêcherait de le faire. Il retourna à sa forme matérielle lorsqu'il sombra dans un sommeil profond et sans rêves.

Il ouvrit les yeux quelques temps plus tard, combien de minutes ou d'heures avait-il dormit ? Il n'en savait rien. Il faisait toujours aussi sombre, donc il ne devait pas avoir passé des siècles dans les bras de Morphée. Il se releva péniblement, ses muscles engourdis par le froid. Le loup sombre s'étira, dans le but de chasser la torpeur de son corps. Ça avait été une mauvaise idée que de dormir, trempé comme il était, il allait attraper une saloperie et n'aurait rien à faire d'autre que de rester dans sa tanière à se faire chier. Il sonda la forêt qui s'étendait devant lui de ses iris saphir. Autant y aller, plus tôt il aurait traversé cet endroit, plus tôt il pourrait se moquer de ceux qui l'avaient envoyé ici. Il s'engouffra entre les arbres rachitiques et la brume qui se referma derrière lui, comme pour effacer toute trace de son passage.

*Il n'y a pas de lumière ici ou quoi ?* Il soupira suite à cette pensée. Il venait d'un endroit où il faisait bon vivre, où le soleil était présent et il s'aventurait dans un endroit sombre. Et en plus, il crevait la dalle... Oui, Caliban était un estomac ambulant et il s'assumait, et puis, c'est un plaisir de chasser sa proie. Il adorait ce sentiment de liberté qu'il ressentait lorsqu'il traquait un daim ou un vulgaire lièvre. Le goût du sang dans sa gueule ne l'enivrait pas autant que d'autres, mais avoir le ventre plein c'est mieux que de l'avoir vide.

Un bruit retentit derrière lui, une brindille qui se casse lorsque l'on marche dessus. Il n'avait pas été suivit tout de même ? Y avait-il vraiment des loups qui vivaient ici ? Ces questions devraient être remises à plus tard. Il se retourna, les oreilles vers l'arrière, les muscles prêts à servir, les babines retroussées pour laisser à l'air libre ses crocs. Il fut déconcerter de voir ... une petite boule de poil à longues oreilles surgir des buissons. Abasourdi, il observa le lièvre s'élancer dans la direction opposée à la sienne. Il s'était attendu à ce que ce soit quelque chose de plus menaçant ! Pas un stupide rongeur ! Cependant... il devait fuir quelque chose non ? Et ce quelque chose, devait arriver d'une secondes à l'autre. Et qu'est-ce que c'était, ce quelque chose ?

Il faisait jour. C'est tout ce qui paraissait évident. Soupir. D'un gracieux mais sec mouvement, Swann chassa un moucheron agaçant d'un coup de queue. La jeune louve prenait comme très souvent les chemins de la Forêt Brumeuse. Sa demeure sans qu'elle ne le soit. La Bannie y avait passé son hiver. La tiédeur humide de la brume qui couvre constamment ces lieux l'ayant bien aidé à ne pas succomber du froid mordant. Léger grondement tandis que ses pas la mène non loin des rives de l'île qu'elle foule. Un hiver bien houleux qui suivait son bannissement de la meute de l'Ouest.

La louve au pelage blanc avait pourtant de quoi jubiler à ce jour. Kyle a disparu. Il est mort pour beaucoup. Cette nouvelle avait fait sourire Swann la veille, mais aujourd'hui, elle reste morose à cette pensée. Elle n'aura eu l'honneur de lui ôter la vie, d'entendre son dernier soupir, de le voir succomber sous ses griffes. Elle qui désirais tant le voir mourir. D'un bond, la Bannie rejoint une autre île. Il lui reste pourtant une satisfaction. Le sourire qui étira les babines en dit long. Rizzen n'en a plus pour longtemps. Patience est vertu. Nouveau bond, nouvelle île. Le loup brun et gris lui avait fait passé un drôle de quart d'heure qu'il regrettera. Swann s'arrêta et commença à laper l'eau claire, ses yeux noirs scrutant sous la surface quelque bestiole agressive. Aucune manifestation permit à la Bannie de poursuivre sa route.

D'étranges grognements traversaient la brume. Des manifestations qui figèrent Swann. Un visiteur. La surface de l'eau se fendit en de très légères vagues. Une des nombreuses créatures dangereuses et méconnues qui peuplent l'eau de la Forêt Brumeuse semble être montée à la surface. Plus prudente encore, la louve blanche pris garde à se pas laisser tremper ses pattes. Et s'écarta même des écumes. Il y a des espèces vraiment particulières aux réactions étranges en ce lieu. Il a suffit qu'un jour elle se trempe jusqu'aux jarrets pour comprendre tout ça.

Brusquement, Swann se figea. Sur une autre île en face d'elle, peu visible en raison de la brume dense, un loup noir de jais était étendu sur la rive. Il ne bougeait pas semble-t-il. Dort-il ? Ou a-t-il rendu l'âme ? Swann ne s'en approcha pas, mais resta tout de même intriguée. S'accroupissant sur la berge, elle comptait attendre un peu, invisible sous la brume. Rares étaient les visiteurs à la Forêt Brumeuse. Lieu secret, dangereux, elle ne sert pas non plus pour des embuscades de meutes, étant un territoire neutre. Mis à part quelques résidents secret, qui pour venir se perdre ?

Une bonne heure semblait s'être écoulée. Il doit être mort. Lassée, la Bannie se leva. A quoi bon s'entêter à le voir se réveiller ? La seule curiosité qu'elle avait était de connaitre la raison de sa venue. Certainement une stupidité pour épater la galerie qui a mal fini. Ou pour prouver sa force, ce loup semble bien jeune. Le même âge que Swann tout au plus. Alors que la louve blanche allait le quitter du regard pour reprendre sa route, le loup noir exerça un mouvement. La Bannie se figea dans la brume et observait la silhouette sombre. Ce loup devait être transi de froid, vu la lenteur de ses gestes. Il ne tarda pas à s'enfoncer dans la forêt. Un peu d'élan et un bond agile suffirent pour permettre à Swann de rallier sa berge à celle de cet illustre inconnu. La truffe au sol, elle flaira avec une pointe de soulagement une fragrance exotique et chaude, caractéristique de la meute du Sud. Pas que la Bannie apprécie plus les austraux que les autres loups de meute, mais disons qu'ils ne lui ont jamais cherché les puces. Ils sont bien plus calme que l'Ouest ou l'Est, c'est certain. Avec lenteur, l'odeur de son congénère lupin sous la patte, Swann pris la suite de ce mystérieux loup noir.

Il avançait bien. La louve blanche n'était loin de lui, mais veillait à ce que sa distance reste conséquente, ce n'est pas le moment de se faire remarquer. Soudain, le loup noir se figea. Swann fit de même. Se penchant un peu sur le côté, la Bannie cru reconnaître de longues oreilles de lapin dans la brume. Elle fit un pas, deux pas. Le lapin la vit et s'enfuit. Le loup austral restait figé. Le regard abyssale de Swann resta vide tandis que cette dernière brisa le silence d'un claquement sec de mâchoire. Elle ne leva pas la voix, son congénère lupin l'aura bien vite vu dans son dos.